Flash et Smaker s’habituaient à leurs nouveaux corps. Flash incarné dans le corps de Paul, le « black » s’harmonisait plus vite que Smaker dans celui d’Arthur, le « blond » légèrement moins sportif.
Les capsules se déployaient. Flash commença à se déshabiller et à revêtir une sorte de harnais de combat. En fouillant davantage le box, il tomba sur un carton. A l’intérieur, deux blousons de motard s’y trouvaient, ainsi que deux casques, deux paires de bottes et deux paires de mitaines. Flash activa une des options de la capsule : plusieurs milliers de mini-fourmis drones se dirigèrent vers sa découverte. Une transformation étonnante commença. Après un laps de temps très court, blousons, casques, bottes et mitaines possédaient un aspect beaucoup plus martial. Les petites fourmis y avaient injecté un maximum de technologie.
– Tu fous quoi, Smaker ?, s’agaça Flash.
– Arthur, enfin ce qu’il en reste, montre des réticences. Nerveusement la synchro n’est pas géniale. Mais si tu me laisses cinq minutes ça devrait le faire, répondit le frère en grimaçant et gesticulant involontairement
– Il faut rejoindre Stella rapidement. Et nous, faut qu’on se tire d’ici. On a un quart d’heure avant d’être repérés.
– Ok, je fais de mon mieux.
Après quelques minutes les deux frères s’employaient à s’apprêter le plus rapidement possible. Une fois prêts, ils se dirigèrent vers le box. Quand ils virent la Guzzi, un sourire fendit leur visage béat.
– On ne va pas pouvoir…, commença Flash
– Oh que si !
– On n’a pas le temps.
– Mais si ! Le temps qu’on va perdre ici, on va le gagner après, promis petit frère, conclut Smaker en rappelant son droit d’aînesse.
– Tu fais chier, Smaker !
– Je sais, mais c’est moi qui décide, dit-il en dansant et en sortant une petite boule de la taille d’une balle de tennis.
Smaker appuya sur un bouton, et la boule flotta dans les airs. Dans leur monde du futur on appelait cela une matrice de réalité. Un objet capable de modifier technologiquement une mécanique primaire. Un quart d’heure plus tard, si la Guzzi gardait toujours sa forme générale, sa motorisation avait changé, et elle avait un aspect plus futuriste.
– Allez, on se casse ! dit Flash en enfourchant la bécane.
– Hey, tu fais quoi ? Ok t’énerve pas ! ajouta-t-il quand son frère lui jeta un regard de tueur.
– Pas mal la bécane, dit une troisième voix. Un truc de fou, même. C’est ça que vous cachiez ici ? Je pensais que vous étiez seulement deux pédés qui venaient s’emmancher ici en toute tranquillité.
Les jumeaux se retournèrent pour voir trois types. Celui qui parlait, un grand Noir dont le débardeur blanc mettait en valeur la musculature de salle. Les deux autres, métis, portant des casquettes sur le côté dans un style consommé de ghetto, souriaient bêtement. En fouillant dans la mémoire de leur hôte, Smaker et Flash surent que ni Arthur ni Paul ne connaissaient ce dealer. Ce dernier ne le cachait d’ailleurs pas : chaînes et bague en or.
– C’est quoi votre style, les gars ? continua le chef
– On ne veut pas vous faire du mal… on ne veut pas de problème ! bégaya Flash, provoquant l’hilarité des nouveaux arrivants.
– Ah c’est gentil ça ! Vous allez pas nous faire de mal ! Ouf, j’étais en train de me chier d’ssus ! Hein les gars ? dit-il en dégainant un pistolet.
– Pas croyable ! pesta Smaker. Faut toujours qu’il y ait un blaireau qui se la joue !
– Qui tu traites de blaireau ? cria le dealer en pointant son arme vers les frères.
A ce moment la réalité se tordit. Les voyous regardèrent derrière eux.
– Merde un transfert ! pesta Flash. Faut se barrer, et les tuer tous ! il commença à haute voix, mais, la fin de sa phrase, il ne fit que la penser. Mais son frère l’entendit.
Il démarra la moto. Quand le dealer et ses acolytes reportèrent leur attention sur eux, ils eurent juste le temps de se prendre une décharge électrique provenant des mitaines de Flash. Ils s’écroulèrent.
Le dealer et un de ses acolytes avaient pu être sauvés. Stella avait eu le temps de neutraliser l’arc d’énergie de Smaker. Mais devant l’onde de choc, non seulement elle n’avait pas pu en sauver un mais les deux autres tombèrent dans l’inconscience. Ce qui allait retarder la synchronisation.
Et surtout elle perdait l’un de ses hommes, qui allait se transférer dans un mort…
– Transfert réussi !
– On a perdu Thomas ! constata avec amertume Alexandre
– Merci, j’avais pas remarqué ! ironisa Stella, dégoutée de se retrouver dans le corps d’un homme. J’ai fait ce que j’ai pu. Heureusement que j’ai retrouvé mes capacités psychiques juste avant le transfert. Sinon c’est nous tous qui étions perdu. Relativise ! Allez ! On se grouille, on trouve de la technologie et on entame la transformation ! Tiens, lui dit-elle en lui pointant le pistolet au sol, ça peut servir.
– Il faut retrouver ces enfoirés et leur faire payer pour Thomas !
– Reste concentré ! On a une mission, on n’est pas là pour se venger ! Nous sommes ici pour la gloire de Kronos.
La Guzzi entra dans le parking à étages du centre commercial. Niveau deux. Des gens vaquaient à leurs courses. Samedi, la zone semblait bondée. Les deux frères descendirent de la moto. Ceux qui les remarquèrent, intrigués par leur accoutrement, les fixaient bien malgré eux.
Le rendez-vous avec Stella avait été fixé au rez-de-chaussée. Ils empruntèrent un ascenseur pour descendre. Celui-ci leur sembla d’une lenteur insupportable.
Ils s’arrêtèrent au premier. Les jumeaux se dirigèrent vers une espèce de balcon qui surplombait le lieu du rendez-vous. Quand quelqu’un bouscula Smaker.
– Eh ! Paul ! Waouh quel look ! Vous allez où ? demanda Vincent, un ami de Paul et Arthur.
– Ecoute Vincent, commença Smaker, j’ai pas le temps. On se rappelle, on se fait une petite bouffe. Désolé mec !
– Eh ! Les gars ? Vous êtes bizarres ? C’est quoi votre délire ?
– Casse-toi ! hurla Flash
– Flash, doucement ! commença Smaker. Et puis c’est vrai, casse-toi ! C’est violent comme ça, mais tu nous remercieras.
– Ok ! dit Vincent qui commençait à s’éloigner.
Arrivés au balcon, Smaker et Flash virent Stella. Elle faisait les cent pas.
– Ce n’est pas normal. A moins qu’elle n’ait trouvé son parfait sosie six siècles plus tard, déclara Flash.
– Ouep. Y a un souci. Je vais envoyer un petit copain de plus près.
Smaker s’accroupit et pianota sur une console virtuelle. De l’une de ses petites sacoches accrochées à son harnais, il sortit un œuf métallique qui se divisa en deux. Il récupéra une des moitiés, et l’autre prit rapidement la forme d’une petite araignée.
– Va voir ce qu’il y a là-bas.
Et l’araignée de foncer vers Stella.
– Alors ? Demanda Flash.
– Ce n’est pas Stella. C’est un hologramme, répondit Smaker
– Ca veut dire…
– … que Stella est morte.
– On fait quoi ?
– On se casse.
– C’était notre amie, on n’essaye même pas de savoir. Scanne les environs. Cherche d’où provient la source de la projection
– Eh monsieur-je-sais-tout, tu peux me laisses travailler un peu. Attends je vois un truc ! Enfoiré !
– Quoi ?
– C’est Jabbot !
Jabbot attendait depuis pas mal de temps. Et les deux frères ne venaient pas. Se doutaient-ils de quelque chose ?
Enfin un des frères approchait. Peut-être que lors du transfert, l’autre était mort. Il l’appelait de ses vœux. Jabbot était le soldat le plus redoutable de Kronos, mais dans ce passé ses capacités étaient réduites. De plus, malheureusement, il souffrait du mal du transfert : une sorte de mal du pays. Il se sentait instable et, pour Jabbot le Terrible, c’était un sentiment aussi inconnu que la peur. Affronter les jumeaux dans leur époque n’était déjà pas une mince affaire, mais dans cet âge de pierre…
Bref, il fallait se ressaisir.
Smaker ou Flash ? Il voyait un jeune Noir s’approcher. Il portait des vêtements autochtones armurés et connectés. Nanotechnologie dernière génération, se dit-il ! Ils avaient réussi à faire le transfert le plus difficile. C’est sûrement pour ça qu’un des frères y est resté !
A une dizaine de mètres, le jeune lança un objet à travers Stella ! Il sait que c’est un hologramme. Il faut agir !
Jabbot bondit de sa cachette. Pianota sa console. Et les jambes de Flash furent clouées au sol. Ce dernier pianotait fiévreusement sa console tandis que son ennemi s’approchait triomphalement de lui.
– Tu ne pourras pas m’envoyer des petites amies Smaker !
– Comment as-tu su que j’étais Smaker ?
– Tu es plus frimeur que ton frère. Et je suis sûr que le choix de ton corps ne reflète que ton ego surdimensionné.
– Ego surdimensionné ? Tu es mal placé pour me le reprocher.
– Tu t’es choisi un athlète. Alors que moi, regarde ! J’ai pris le premier venu, car mon esprit est un esprit supérieur ! Le corps n’est rien, ainsi que l’apparence.
– Et tu parles de mon égo surdimensionné !
– Tu ne pianotes plus ?
– Non, je suppose que tu as modifié la structure moléculaire tout autour de moi. Du coup, je ne peux modeler le métal liquide dont sont composées mes petites amies. Alors j’essaye d’être stoïque.
– Sage décision. Tu sais que je ne suis pas quelqu’un de vraiment patient. Alors je te dis adieu.
– Attends !
– Quoi ?
– Stella ? Que lui avez-vous fait ?
– Je crois qu’elle n’a pas eu le temps de faire le transfert. Elle doit se faire torturer avant reconditionnement. Triste.
– Tu entends ça ?
– Quoi ?
– Ce bourdonnement.
– Tu essayes de gagner du temps.
– Effectivement, et j’ai assez d’informations comme ça ! Pour Stella ! hurla Flash.
Soudain un essaim de petites mouches métalliques discrètement posées sur les murs formèrent un cercle autour de Jabbot. Et Flash lâcha une décharge d’électricité blanche vers les petits drones qui l’amplifièrent. Jabbot avait eu le temps de préparer une défense, mais il fut quand même surpris. Il hurla quand son casque commença à fondre et que sa chair fusionna avec le métal. Malgré la douleur, il réussit à appuyer sur l’un de ses boutons virtuels. Une onde de choc balaya tout dans un périmètre de trente mètres. Flash fut projeté et alla percuter un mur.
Smaker rappela ses petites amies, embarqua son frère à demi inconscient, et ensemble ils prirent la tangente.